Il y a mille façons d'aborder la peinture , travail de l'œil et de la main, oui mais pas seulement...Lorsqu'on attaque la page blanche ou la toile vierge, on ne sait pas toujours vers quelle contrée l'imaginaire , terme générique qui cache tant de subtiles nuances va nous embarquer... ainsi la place du souvenir, les peurs, les blessures , le temps qui passe, la vie et la mort...que de pistes à explorer!
C'est souvent après un travail que surgissent des évidences...les noirs et blancs du deuil, la couleur éclatantes de la résurrection , la besoin de légèreté ou la plongée vers les abysses du temps passé.
Ainsi, si je devais définir mon travail aujourd'hui , à l'instant T, je pourrais dire que j'aime les traces, les cicatrices, les striures qui laissent deviner la toile , comme parfois certaines maisons en cours de démolition laissent à voir au passant indiscret, l'ombre d'une splendeur passée, bout de tapisserie déchirée , carreaux de faïences fêlés, un escalier qui ne mène plus nulle part.
Toutes ces traces d'une vie fugace , l'écho des rires d'enfants , des cris et puis plus rien.
Lorsque je peins , il y a un peu de tout ça, la nostalgie essaie de se frayer un passage , le passé n'est jamais très loin car au fond, ne sommes nous pas pétris de cette pâte , remaniée à l'infinie , cette pâte humaine venue du plus loin des âges. Et la créature humaine arrogante et minuscule qui continue cette lutte inégale et tente d'imprimer envers et contre toute logique son passage .
Dans mon travail , il y a des traces, des cicatrices, des failles, des histoires qui se superposent et se répondent, un hivers peut cacher un printemps et une forêt glacée contenir plus de cris et de bruissements que son apparente sérénité ne le laisse entrevoir...
Mes toiles sont pétries autant que peintes , la matière y est un élément clef, ainsi, étaler, arracher, gratter , cacher, saupoudrer autant que dessiner et peindre constituent la trame de mes univers que j'invite le spectateur à toucher autant qu'à regarder.
